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12 novembre 2016 6 12 /11 /novembre /2016 19:14

La baie porte un nom imprononçable   U Krtole.  Nous y arrivons le six juillet 2016. Dans la baie de Kotor prendre la première à droite en rentrant si vous avez fait les formalités d'entrée.

C’est notre deuxième jour au Monténégro.  Le fond de la baie est bien protégé, mais pas très joli. A la jumelle nous identifions un complexe touristique dont on entend la musique, même à bonne distance. La perspective d’une nuit au son des basses techno et des encouragements d’un animateur  enthousiaste nous pousse à prendre un mouillage dans une petite anse de l’île Stradioti.  Cette île dont on apprécie de pouvoir prononcer le nom  nous attire aussi car elle ferme U Krtole par le  Nord  et protège du vent dominant.

Elle  semble avoir échappé à la spéculation immobilière qui ronge la côte du Monténégro hérissée  sur sa partie nord aujourd'hui de grues de chantiers. Ici tout est calme. Un patrouilleur  militaire rouillé  et désert sert de ponton provisoire ou définitif à un voilier lui aussi  très fatigué.  Il faut deux manœuvres pour que l’ancre croche.  Nous passerons la nuit là,  presque seul. Du bateau on devine  un quai .Il borde toute la longueur de l’anse, des bâtiments de briques en ruine disparaissent derrière une végétation dense de cyprès, d’oliviers et des buissons de lauriers rose. Ils montent sur les reliefs abruptes de l’île et noient la crête  dans un manteau d’un vert  profond. La nuit tomile stradioti be et juste avant qu’elle efface les détails, il me semble distinguer un toit de paille à mi pente. Une curiosité de plus pour l’exploration que je projette pour le lendemain.

J’ai lu depuis que le débarquement sur l’île est interdit. Comme je l’ignorais c’est sans angoisse aucune que j’ai découvert ce curieux endroit.  Tout le bord de la crique présente un mur de pierre. Il y a un quai en béton sur le coté ouest mais inaccessible pour un voilier car  les fonds  sont faibles

Un petit peu en retrait dans deux, trois bâtiments on retrouve trace de douches, d’une cuisine, d'un restaurant, de chambres froides.L'abandon est partout . La terrasse du restaurant était sans doute sur un plancher de bois dont il ne reste que les plots. Dans l’une des dépendances  des monstres marins peints sur de  grands contreplaqués font face à un Neptune grimaçant et tout aussi décrépi. Il y avait ici un théâtre de plein air. Les décors sont devenus les acteurs d’une autre histoire. Traversant ces bâtiments où les arbres ont poussé dans des pièces aux toits effondrés,  j’empreinte un petit sentier qui grimpe vers le sommet de l’île. Plongée dans un sous bois épais et obscure.  La mer, la crique, le soleil  tout disparaît. Les chênes lièges, les cyprès, les lauriers roses, les oliviers occupent tout l’espace. Le sentier est glissant  et sous les feuilles je devine encore quelques marches.  En chemin une curiosité : Une case, en paille  sur pilotis semblable  aux habitats traditionnels  africains. Ouverte à tous vents le toit a en partie versé sur un matelas posé à même un châlit de bois. Il témoigne du peu d’exigence des occupants en matière de confort. La vue sur la baie devait être belle mais aujourd’hui  la végétation triomphante occulte tout. Lassés peut être  de ce confort spartiate ou rêvant de coucouner  dans une HLM les estivants sont  partis. Au sommet de l’île sur la crête  de nouvelles ruines. Au mur des inscriptions donnent la clé du mystère. En trois langues la direction prie les Gentils Membres d’accomplir les formalités de départ  la veille de la date prévue. Manifestement pour les derniers occupants cela ne s’est pas passé d’une façon réglementaire. Tout est en vrac, les meubles sont renversés cassés. Plus une vitre.  Dans un bureau, la comptabilité tenue dans de grands classeurs trahit une activité jusque en 1991. Les tuiles du porche menacent l’intrus d’une douche de terre cuite et de chevrons.  Au milieu de la cour d’accueil un grand sac de jute éventré. Il en sort des perles oranges en plastique qui reliées les une aux autres  forment des colliers. Sur chaque perle une inscription : un  trident croise un M. Je suis tombé sur le trésor du Club Med éparpillé sur le sol. Le casse du Club MedD’autres cases de paille attendent la bourrasque ou l’orage qui les mettront définitivement à terre. Je peux reconstituer l’histoire. Le club a été abandonné pendant la guerre civile  yougoslave et  manifestement dans l’urgence. En redescendant vers la crique je butte sur une valise sur laquelle le nom du propriétaire est encore lisible, peint en grosses lettres vertes avec son adresse dans la région parisienne. Les recherches  menées depuis m’ont donné le CV de ce gentil organisateur peu préparé aux feux d'artifices de cette guerre civile à laquelle heureusement il a survécu.  J’ai lu plus tard que le club avait été évacué en catastrophe sous la menace d’un bombardement. Je ne sais si cela est vrai .  En redescendant  j’ai trouvé qu’il était dommage  qu’une  structure comme le club méditerranée ne viennent pas nettoyer et faire disparaître les ruines  de leur établissement. Mais est ce possible? Aujourd'hui le contraste est fort. On y devine encore  l'été, l’insouciance, la vie libre, affranchie des contraintes l’amour dans la paillote et soudain la guerre. La fuite et la nature qui recouvre tout. Petit indice  de ce qui nous attend. Demain après demain ….  J’ai gardé pour des temps meilleurs deux ou trois perles orange. Sea Sex and Sun reste une valeur sûre non ?

 

Pour naviguer : 

coordonnées 42°24'63 N 18°41'18 E des fonds d'algues et de sable vase qui remontent  assez loin du bord. J'ai mouillé par six à sept mètres. A mon avis la tenue est moyenne. Il y a un ponton en béton mais accessible uniquement en annexe. Une vieille inscription interdit de l'utiliser. La protection est bonne du Nord  et moyenne de l'ouest car la baie n'est pas très  fermée. Protection nulle par vent du sud et du sud Est même si la côte sud  du Monténegro assez proche doit limiter la taille des vagues. Mais en été le soir la baie de kotor est souvent très calme  

Pour atteindre l'île se méfier de la chaussée sous marine entre l'île et l'ilot Otoc . Il faut bien déborder tout ces dangers sur babord en arrivant par l'ouest. Un vieux navire militaire   du genre barge de débarquement semble pourrir sur place. 

Il n'y a pas d'eau sur les anciennes installations du club med. 

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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 22:24
  • Bon pour tout vous dire ce n'était pas exactement comme cela . Néanmoins en cette fin de février le vent n'est déscendu que rarement en dessous de force six. Vent d'est et vent d'ouest alternaient au fil des dépressions qui passaient rapidement sur le cap . Le plaisir était grand de s'endormir dans le sifflement des haubans, sans obligation de route, en prenant le temps comme il vient . La marche à pied et le bricolage ont aussi leur charme. J'ai pu naviguer deux heures en une semaine La lorelei, retrouvée après six mois d'absence  ne m'avait pas trahie.  Docile sous ses amarres elle ne s'était pas abimée sur ses voisins .
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10 février 2007 6 10 /02 /février /2007 16:12
Tamise hazard
Journal de bord du Lorelei  Aout 2003

Mardi  12 août 2003
C’est en fin de matinée, que le Lorelei quitte le quai de Gravelines. Une marche arrière décidée nous extirpe de notre place de ponton.
A bord Jean François, Anna et moi-même.
Après une semaine d’intensifs bricolages  qui peuvent se résumer à : « chercher la fuite dans le compartiment avant », je vais enfin profiter de quelques jours de croisière. Jusque là, alors que la France gémissait sous une chaleur mortifère, j’avais poncé, plastifié, colmaté, mastiqué, vécu dans une solitude laborieuse, comme une sorte de clochard nautique dont la peau, irritée  par les poussières de plastique, d’acétone et d’autres solvants, n’avait rien à envier aux galeux.  Douches, douches, et encore des douches pour faire cesser les démangeaisons.
Au final une journée de nettoyage de la cabine fut nécessaire, pour éliminer cette fine poussière blanche.
Les épreuves étaient passées, une vague odeur de styrène flottait encore dans la cabine alors que nous prenions la mer.
Le vent ?  Bien sûr le vent !
Il était faible et d’Ouest. Nous glissions sur le canal, presque à pleine mer, sur une eau verte assagie par l’étale annoncée.
Et voilà que dehors, à peine les voiles hissées, la brume nous enveloppe. Une brume en écharpe, puis au fur et à mesure, de plus en plus épaisse. Nous y entrons comme dans une forêt.
Les autres voiliers sortis pour la journée regagnent le port. Nous saluons  et nous voici bientôt dans une bulle opaque, mais bruyant comme un ferry. J’ai dans les coffres la corne de brume du supporter de football. Elle complète et remplace la corne en plastique réglementaire, si faible et  qui nous essouffle.  Un long deux courts,  toutes les deux minutes maximum : «Voilier en marche selon les  règlements nautiques ». Un espoir :  que les autres se soient aussi plongés dans les mêmes lectures des textes officiels! 
Le réflecteur radar tout neuf est hissé en vitesse sur le bas-étais. Et voilà déjà que les
évènements s’accélèrent. Sous le foc surgit un voilier, dont le skipper jusque là silencieux cède en hurlant la priorité qu’il nous doit. Et pourtant nous cornons. Anna devant, Anna derrière. Un long, deux courts : La réponse est longue grave et solitaire .Crispations .
 Quelque part  un grand navire est en route. Devant  à tribord, puis sur le coté, et enfin sur l'arrière semble t il.  Difficile d’évaluer s’il s’éloigne ou se rapproche. Nous cornons, nous cornons, et sortie de la brume, une voix métallique portée par un haut-parleur nous interpelle. Un sabir  inconnu incompréhensible. Magique et inquiétant.  En réponse un long  deux courts. Soulagement le coup de sirène  suivant est bien sur l’arrière, nous entendons  le  moteur du cargo, vibration lourde dans l’étoupe, avant de le voir.  Cent  mètres, deux cent mètres difficile de juger la distance mais nous sommes passés devant.
Nous croiserons encore quelques barques au mouillage. La brume joue avec mes nerfs, se lève par pans entiers,  soulageant mon angoisse, puis revient, puis se lève à nouveau définitivement.
Le bateau est en route pour Ramsgate. Le temps est clément, nous péchons les premiers maquereaux de l’été. Anna apprend à les tuer le plus vite possible après les avoir caressés une dernière fois au fond de leur seau, comme pour s’excuser du geste tranchant qui allait suivre. Comme dans l’antiquité elle demande par avance pardon à l’animal qu’elle sacrifie.
Anna se baigne et saute du bateau immobilisé dans les calmes. Le soir sur une mer d’huile,  je vois pour la première fois des dauphins chassant en mer du Nord.
Ramsgate à la nuit tombante. Attente devant le port : Un ferry rentre de France. Un pécheur crie à notre approche des appels intermittents que nous prenons pour des invitations à nous éloigner de ses lignes ou filets. Quelques minutes plus tard le canot de sauvetage viendra le chercher. Il nous appelait à l’aide sa barque sans doute en panne de moteur.  Honte à nous.  
Anna résume la journée. Bains, dauphins, poissons tout y est.
 A l’heure de se mettre au lit désenchantement. Sa peau d’enfant, sensible, réagit aux poussières de plastique qui malgré  de nombreux nettoyages hantent encore le bateau. Elle se gratte, elle gémit et s’endort, est-ce une consolation, dans les bras de son bourreau, qui n’a pas poussé le nettoyage assez à fond.
Je m’en veux et m’en voudrais encore trois jours durant.
Mercredi 13 août 2003
La marée et les courants à l’embouchure de la Tamise imposent un départ matinal. Nous aurions bien traîné un peu. Et jean n’aura vu de Ramsgate  que quelques pontons et digues de briques, mais au fond, peut être le plus joli de cette ville délaissée.
Le moteur nous tire jusqu’à l’embouchure de la Tamise tant le vent est faible et le courant dans le nez. Puis nous prenons la passe sud, la plus courte. Au programme, devant nous, dans la brume de chaleur, South Channel, Gore Channel, Horse Channel, et quelque chose comme Kentish Flats. Flats qui résonne dans ma tête comme plate, plate comme haut-fond et ennuis.  J’hésite, j’hésite, mais la marée sera montante quand nous passerons sur ces hauts-fonds mal signalés comme le précise le guide nautique.
 Il y a la théorie et le sentiment. Va pour la théorie. Les petites taches vertes sympathiques de la carte anglaise devraient être couvertes de quatre à cinq mètres d’eau quand nous serons dans leurs parages. Et encore faudrait-il une erreur de navigation pour passer dessus. Pourtant nous fûmes particulièrement vigilants pour guetter les bouées.
Voici le Horse Channel, qui marque la fin des incertitudes. Anna peut à nouveau se baigner. Jean semble moins atteint qu’hier par le mal de mer. Au crépuscule  devant l’île  Sheppey nous accrochons une bouée de Queenborough. Dans le coude  du Swale, une rivière, aux berges industrielles, au lit encombrée de demi-épaves. Le mouillage n’a aucun charme. J’insiste pour découvrir un peu la ville. Nous gonflons l’annexe et d’un coup de courant nous voilà au débarcadère. Surprise, il nous faudra payer une taxe pour aller à terre ou plus exactement pour revenir à bord. Deux membres du club sont très occupés à emmêler des fils de fer barbelés autour d’un portique posé sur la vase afin de décourager les resquilleurs. Très fier de leur portillon automatique, ils ont comme des sots transformé une jetée en entrée de banque. Ce système insolite est censé compenser les pertes de revenus imputables aux plaisanciers de passage qui ne règlent pas la nuit au mouillage. Il y a quelques années ces anglais faisaient plus simple. Un gardien vous abordait aux aurores et réclamait son du. Il saluait. Nous échangions quelques informations et des salutations. Désormais c’est moderne. Un jeton à acheter au club nautique ou au pub permettra votre retour à bord. Les douches sont minables avec des systèmes de réglage d’eau chaude si subtile qu’après s’être copieusement brûlé-on accueille avec joie une eau subitement glacée. La barmaid indifférente sert avec des gestes d’automate. La promenade comme le reste s’avère décevante. Jean me l’avait bien dit, mais maintenant, j’en suis sûr : Queenborough  n’est qu’une escale pour dormir et attendre la renverse de courant  pour monter à Londres.
Jeudi  14 août
Comme chaque matin, la même angoisse au ventre dans le petit jour qui se lève : Celle de regarder partir les autres voiliers, alors que nous ne sommes pas encore tout à fait prêt. Où vont ils ? Quelle marée à saisir ? Raterons nous le coche.
Vers 10 heures nous larguons la bouée et sortons de la rivière Midway. Sur les quais de Sheerness le chargement des voitures continue sur de nouveaux cargos. Entre les cheminées d’immenses centrales électriques et les réservoirs de carburant blancs,  commence la Tamise. Noueuse, boueuse perfide.  Nous naviguons sur des hauts fonds. A notre droite, une épave noire dresse dans le matin, des mats de charge désespérés. Un œil sur le sonar . Cap au Nord puis à l’Ouest vers London au bout du fleuve.
Onze heures nous sommes toujours au moteur. Je laisse la barre à jean pour faire un petit somme à l'avant.
Cela ne durera pas dix minutes.
Vite interrompu par le silence que je n’aime pas. Celui du moteur.  Je sors de la cabine, j’ai  l’espoir de voir Jean occupé à quelque baignade.  Je le regarde et d’un coup d’œil je vois que mon optimisme est vain. Il a dans les yeux le regard étonné de ceux qui s’interrogent sur le mutisme soudain, d’une machine jusque là sans caprice.
- « Je n’ai touché à rien ! »
J’ai dans l’oreille  la manière nette dont le moteur a stoppé, sans hésitation en trois coups de piston decrescendo.
Je ne suis pas particulièrement superstitieux, mais avec le temps  je m’interdis et j’interdis aux autres toutes louanges sur la fidélité et la fiabilité de ce moteur . Après 23 ans de vie commune, j’ai assez souffert de son esprit de contradiction. Un compliment et la panne survient dans les heures qui suivent. Il ne faut rien dire,  et maintenant même, rien penser. J’avais eu le tort, dans mon for intérieur, de vanter ma maintenance de l’hiver. Depuis octobre il tournait comme une horloge à chaque sortie. Je l’avais amplement gratifié de filtres neufs, de courroies rutilantes, d’huile vierge première pression à froid.
Dans un esprit un brin putassier et flagorneur, nous l’avions surnommé lorsqu’il flottait en  méditerranée  « Monsieur Yanmar ».  Quand le vent par trop tombait, pour éviter la cuisson du calme blanc, nous le flattions ainsi : « La solution s’appelle Yanmar »  et il partait.   En route pour les îles.
Avec le temps son caractère est moins facile. A moi de lui faire offrande.  Et c’est à genou devant lui que je me prosterne désormais avec mes clefs  à pipe comme des amulettes de sorcier pour purger un circuit de gasoil défaillant.
Ca pue, ça coule, et cela ne marche toujours pas.
 Trop d’enthousiasme, trop d’angoisse je serre et casse une pièce. Toute réparation sur place est désormais impossible.
Nous appartenons désormais au fleuve. Le vent est absent  ou si faible et le courant nous pousse vers Londres à plus de deux nœuds. Il faut viser juste, les cargos passent et ignorent, dans l’étroit chenal, que nous sommes pratiquement dans l’impossibilité de barrer. Il nous faut anticiper deux ou trois méandres à l’avance pour ne pas se trouver sous leur proue.
Les hauts-fonds s’en mêlent  et compliquent une navigation déjà peu commode. Lentement mais sûrement la loi de l’emmerdement maximum se met en place. « Valentine » Ferry gris et rouge vient nous draguer sur bâbord.
Le remorqueur qui nous dépasse ensuite ignore nos appels radios et comme j’ai modérément envie de me faire tracter par des bateaux de cette taille là, je n’insiste pas. L’inquiétude, le stress, mais pas encore la détresse.
Une bouée verte permet une position exacte sans recourir au GPS et au report sur la carte.
Sur la rive en face à quelques milles le « Mac Millan » guide nautique indique avec un petit pavillon rouge YC : Yachting Club.
Des yachtmen dans cette contrée hostile, une ville et peut être des mécanos, allons rêvons un peu : un agent Yanmar désœuvré qui me guette déjà préparant son stock de pièces détachées, c’est possible, peut être même probable.
Avec le souffle de l’espoir nous franchissons le fleuve plus brun et tourbillonnant que jamais. Le mouillage de Gravesend  aligne quelques voiliers entre des chalands, des péniches pétrolière et des remorqueurs. Il faut viser. Jouer aux vecteurs : Une composante courant, une composante dérive et pratiquement pas de vitesse, c’est la trajectoire de tous les soucis. A frôler les barges à l’ancre, on perçoit un murmure de menace : Le courant émet un clapotis  ironique sur leur voûte. Tout va vite, très vite. Les premières bouées jaunes déclinent les sollicitations de la gaffe de Jean François. Raté, encore raté, il reste une chance et après plus loin à cinq minutes c’est l’échouage assuré sur le Pier dont on ne pourra pas se dégager à temps. On mouille l’ancre sans orin en priant pour qu’elle n’accroche que de la vase.
La chaîne me file entre les doigts . On bloque. Suspens… L’amarre vibre sous l’effet du courant,  le voilier fait tête. Croché. Le naufrage s’éloigne.
Un coup d’œil autour de nous . Une barque avec marqué en grosses lettres rouges sur la coque « RESCUE » circule entre les bateaux . Je siffle . Ils sont loin et ne nous entendent pas. Jean François ressort la corne de brume . Effet immédiat. Les lettres  « RESCUE » s’affichent cinq minutes plus tard le long de notre coque . Roger, un grand-père hilare et son petit-fils montent à bord.
Nous allons apprendre comment les anglais perpétuent la tradition d’entraide  des gens de mer.
Embarquement pour le club,  Anna et moi allons chercher de l’aide. C’est la journée portes ouvertes et tous les responsables du club de voile sont sur le quai pour accueillir  le public et tenter de convaincre de nouveaux membres de naviguer sur ce perfide plan d’eau. Il faut dire que la partie n’est pas commode. Pour naviguer ici
Premierement attendre la marée haute.
Deuxièmement mettre à l’eau avec une grue des petites embarcations capables de  lutter contre vent et courants, de virevolter sur la Tamise entre les cargos et de rentrer avant que les bancs de vases asséchés n’aient rendu le club inaccessible depuis la rivière. 
Aujourd’hui c’est beau temps, des vieux messieurs dignes  avec blazer bleu marine et gilet de sauvetage orange s’activent sous la grue. Les dériveurs montent et descendent le long du quai. Peu de temps hélas pour savourer ce spectacle nautique je n’ai qu’une pauvre phrase en tête .
«  My engine is out off order. I need help »
De Commodore du club en vice président, je renouvelle les présentations et les suppliques. Me voilà emmené de l’autre coté de la rue. Nous traversâmes un terrain vague et je découvris les   docks de Gravesend : Un bassin rectangulaire de trois cents mètres de long et d’une cinquantaine de large. Un pan entier du bassin est occupé par un immeuble à la façade brun- orange. Il se reflétait hésitant dans l’eau encore plus marron du dock. Une vingtaine de bateaux attendait qu’un skipper les sorte de cette prison. Sur l’un des quais le club de voile entassait quelques coques défoncées.  Sur cette espèce de terrain vague un appentis de bois et de taule servait de remise  et d’atelier. C’est à l’ombre de celui ci que devait venir mon secours.
 Là deux personnages tout juste sortis de « La rue de la Sardine » savourent une Ale dans le semblant de fraîcheur
Voici Bob  la soixantaine, de l’embonpoint, un goitre qui lui avale le coup et donne à ses épaules puissantes encore plus de force.
 
- «  Bob construit son bateau et il mécanicien, il pourra t’aider .»
 Présenté aussi directement par le responsable du club, je recommence le chapitre des lamentations :  My engine is out off  order….
Et je me vois à l’instant tel que je suis. Le type  stressé tombé du ciel qui parle trois mots d’anglais et va leur pourrir leur journée avec des problèmes qui ne les concernent pas.
A coté de Bob, se lève lentement un maigrelet dont on ne voit immédiatement que le nez. Un nez  violet , boursouflé, veineux, une encyclopédie charnue de tout ce qui se consomme sous forme de liquide. Le reste du visage fait, si l’on peut dire, pale figure à coté de ce nez fascinant. Il y des bouteilles brunes au pied de Daniel’s et quelques-unes sur l’établi.
Si lent qu’il soit Daniel’s me ramène à la politesse, main tendue.
-  « Daniel’s ! and Bonzo »
 
 Et  Daniel’s me présente un ratier noir et blanc qu’il tient amoureusement comme un bébé sur son pull en guenille.
Daniel’s et Bonzo,  Bob, les dérives alcooliques sont-elles toujours des naufrages ?
 
Bob, Daniel’s Bonzo , Anna et Peter. Les présentations sont faites et pour discuter plus facilement en route vers le  bar du club.
 Bob me paye un coup. Au milieu des gentlemen de la journée portes ouvertes le trio dénotent franchement, mais nous sommes en Angleterre, il en faudrait plus pour faire vaciller la barmaid.
Pour tout dire, je n’ai pas soif et mon envie immédiate est de voir Bob à l’œuvre. Mais j’ai l’expérience de ce genre de situation .
 Flash back.
Italie année 80 . La  Magdalena  dans le détroit de Bonifacio. Je m’avançais dans un hangar sombre de l’arrière-port une bôme en deux morceaux  dans les mains.
Devant moi dans la pénombre un bric à brac de tours, de chalumeaux,  de fer à souder, et le soudeur  encore en bleu .
J’explique et je montre l’espar brisé. Les gestes suivent. Je mime la pièce,  le manchon. Le papa dans la maman et comment la bôme pourra repartir vers la Tunisie et moi dessous par la même occasion. Il est des italiens taciturnes autre que des capi mafiosi.  Sans un mot le soudeur m’entraîne dans un coin encore plus sombre de l’atelier. Il me montre, dans un bac de ciment qui sert de lavabo, une forme arrosée régulièrement par le robinet.
« Alla cinque »  et justement il est cinq heures.  La bouteille de vin blanc de l’île aura raison de sa serviabilité. Je repartirais ma bôme en deux morceaux sous le bras sans avoir bu un coup avec lui.
L’erreur  était là. A distance j’en suis certain.
Alors rien que pour le plaisir, parce que je n’ai plus vingt ans, que je sais un peu plus vivre, je peux et je veux me taper une ou deux brunes ou blondes avec Bob et Daniel’s
 
- « Je vais t’aider gratuitement car demain quand je serais aussi en panne j’aimerais que l’on en fasse autant pour moi » Bob a les principes simples des optimistes.
Je ne sais si Daniel’s a aussi des principes, mais en tous les cas il les garde pour lui. Il sirote en silence et avec un plaisir évident cette occasion supplémentaire que la générosité de Bob lui offre. Anna contemple fascinée les tatouages sur ses phalanges.
Assez bu il faut agir avant que la marée n’isole notre mouillage.
 Nous voilà rembarqué avec notre mécano sur un nouveau canot au propriétaire aussi hilare que le précédent. Bob se hisse à bord et examine le Yanmar silencieux, il comprend assez vite ma gaffe et ses solutions me rassurent un peu. Ce qu’il propose est cohérent. Cet Anglais a déjà approché un moteur ce dont jusqu’à présent je n’étais pas vraiment certain.
Jean François  a senti aussi l’ambiance et fait les honneurs du bord. Par chance, il nous reste une bière au frais.
Retour au quai en remorque.  Nous tirons le Lorelei derrière l’écluse dans les docks de Gravesend. Le calcul est simple. La mer baisse à nouveau et dans quelques heures le club sera inaccessible, envasé, le mécano au bar, et nous planté là avec ou sans réparation.
La contrepartie est que nous ne sortirons des docks que demain à la pleine mer  soit trois heures de l’après midi et qu’il faudra attendre jusque samedi la renverse de courant favorable.
Deux jours sont ainsi perdus.
 La voile est une école de patience alors quitte pour les deux jours perdus, nous nous amarrons dans le grand bassin glauque en face de l’atelier. Sur le quai le bazar nautique habituel. Des dériveurs renversés, des bidons gras, des remorques, de vieilles coques délabrées composent un paysage démoralisant .
Jean affligé par la laideur de l’environnement disparaît en ville avec Anna pour faire quelques courses et se distraire. Devant tant d’horreur autant soigner son look, Il se choisira avec grands soins des pantalons pour l’hiver ou la demi-saison.
Bob et Daniel's m’entraînent en ville pour remplacer la vis cassée. L’espoir renaît.
Nous avons acheté quatre vis pour remplacer celle que j’ai brisée. Le détail a son importance
Il faut les travailler. Les percer pour que le combustible les traverse.
Cette promenade en ville a bien entendu donné soif aux anglais. On repasse par le Pub. Il faut se battre pour payer une pinte.
 Daniel's regagne le premier l’atelier, et commence à ma grande angoisse à scier la première vis. Je ne sais pas combien il a absorbé de litres aujourd’hui, mais je ne suis pas étonné de le voir jeter assez vite la pièce mal coupée. Quand  il attaque la seconde je vais chercher Bob qui a entamé une conversation avec la barmaid, et perfide je lui glisse que son copain réclame son aide.
Daniel's n’a pas perdu son temps, la deuxième vis, au profil incertain, ne rentre pas dans son logement.
Bob reprend avec un calme effrayant le boulot. Je tourne un peu autour de lui et mon inquiétude se sent trop . Il s’agace.
«  Peter quand tu pourras voler de nouveau je te le dirais » et avec les bras il fait de lents battements. Avec son teint anglais, son goitre et ses cheveux blancs on dirait un pélican .
Je m’éloigne et observe de loin avec angoisse comment bob, arc bouté sur une petite perceuse électrique fore un trou de quelques millimètres dans l’acier inoxydable.
Au total les  quatre vis furent nécessaires.
Les pièces en ordre,  Bob et Daniels retournent  au bar pour la cup of thé.  Moi je retrouve le moteur et son indescriptible arôme de graisse antique et de gasoil.
Récompense cependant . A 17 heures, il tourne à nouveau.
Mais l’écluse est maintenant fermée, nous sommes pris au piège jusque demain 15 heures, au retour de l’éclusier.
Je rameute les deux anglais et nous attaquons la réserve de Vodka du bord pour fêter les  vibrations du Yanmar. Première rasade avec un peu de tonic, et pour les suivantes on oublie le tonic.
Le soir tombe, les deux marins nous laissent et regagnent le club où Bob héberge, nourrit  et abreuve Daniel's qui n’a sans doute plus d’autre compagnie. Les autres membres du club sont partis. Bob possède toutes les clés, sauf celle du bar clôturé par une sorte de volet métallique qui descend du plafond.
« Ils sont confiants et réalistes » ajoute t il.
Nous nous douchons, puis repas à bord. Les environ n’incitent guère à la promenade. Jean avouera plus tard opérer un retour sur lui-même pour lutter contre le blues et la déprime que lui inspirent ces docks.
Vendredi  15 août:
 Le temps semble  ce matin là s’écouler lentement.  Il fait frais. Le vent porte à l’Ouest et pourtant nous sommes bloqués dans notre progression. Cette impuissance est source d’amertume. Pour tuer le temps, nous nous promenons avec Anna dans la petite bourgade de Gravesend . Quelques courses et retour à bord où, comme hier, mon cousin ronge son frein. L’œil rivé sur la pendule nous attendons trois heures. Par une savante manœuvre de retournement  le Lorelei  étrave pointée vers la porte de l’écluse guette la venue de l’éclusier, qui ne prend son service que pour nous.
Saluts, au revoirs, et remerciements à tous les nouveaux copains qui nous ont consacré du temps, des sourires et pas mal de coups à boire pour pas un rond.
Quel soulagement lorsque nous nous glissons dans l’écluse enfin ouverte pour sortir de ce piège à rat. Devant le club nous voilà bientôt amarré à une bouée jaune. Jean et moi imaginons des dispositifs complexes pour éviter qu’elle ne cogne contre la coque, sous l’effet contraire des vents et des courants, dont nous sommes le jouet.
Le reste de la journée est encore fertile en rebondissements : La cocotte minute a disparu. Enquêtes, recherches, et conclusion. Elle a été oubliée dans la cuisine du club lors de la vaisselle. La cuisine du club, dont nous sépare désormais la Tamise et ses courants. Une croisière sans ma SEB chérie, qui m’accompagne depuis des années ! Pas question . Je gonfle l’annexe et j’embarque la marmitonne pour la reconquête de la gamelle oubliée.
Un vieux plaisancier  au mouillage voisin nous hèle :
« Prenez mon annexe rigide vous remontrez plus facilement au retour contre les courants »
Encore la gentillesse anglaise. Nous voilà Anna et moi dans une petite barque de bois verni  qui roule d’un bord sur l’autre. Sur le quai, en  haut de l’échelle voici un des marins qui nous tend un tirage photo du remorquage de la veille. Peut on être plus obligeant. ?
Nuit tranquille, seule les renverses de courants nous réveille car la bouée frappe contre la coque.
 Je n'ai pas encore trouvé de solutions contre ce phénomène.
16 Aout voire la suite de la croisière
Tamise hazard
Journal de bord du Lorelei  Aout 2003
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9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 16:37
Personne n’y croit vraiment et c’est dubitatif que nous mettons en marche avant lentement vers Londres . Voiles et le moins de moteur possible, le vieux moulin peut il encore nous tirer de là ?
Nous suivons les méandres de plus en plus industrialisés. Les bords de la Tamise ne sont qu’une longue zone industrielle, terminaux de ferries,  grues, chemin de bande, trémies de sable, pipe-lines se succèdent.
Vers 14 heures succès : Devant nous défilent les nouveaux quartiers de l’East End : Des immeubles en forme de fusées, la soucoupe du dôme du Millénium, et puis enfin majestueux après un dernier détour,  une énorme pâtisserie nous bouche l’horizon.  Tower Bridge. Nous sommes enfin arrivés au cœur de la cité. Il ne reste plus qu’à attendre l’ouverture de l’écluse pour rentrer à l’abri de la marina. Les vedettes de tourisme nous frôlent. Nous nous sentons bien fiers d’être simplement là.
A 17 heures, je suis enfin soulagé de l’angoisse qui me serrait le ventre et qui m’a conduit à décourager Barbara de nous rejoindre. Une panne supplémentaire et des rendez-vous à tenir, cela eut été trop de complications
 Le Lorelei est amarré à Sainte Catherine Marina.  Dans ce décor d’anciens docks réaménagés  ceints désormais d’immeubles de luxe et d’un super pub, que hélas, l’age d’Anna nous interdira de fréquenter. Les amarres à peine tournées fuite générale de l ‘équipage en bus n° 15 vers le cœur de Londres.
Le bus rouge s’est l’entrée dans la carte postale, la joie simple de faire partie du cliché. Le receveur pakistanais comprend à peine nos questions et en réponse fait cracher à son appareil des mètres de tickets rose et rouge. Trafalgar square, Picadilly, le quartier chinois Soho, belle promenade si ce n’était la fringale de Jean  qui a les crocs nerveux.
Manger, manger, manger, la migraine et la colère le gagne. Le guide du routard montre ses faiblesses et les adresses qu’il recommande sont des gargotes ou ne servent pas à manger.
Un restaurant chinois nous sauvera de la zizanie et croc nerveux retrouve un peu de sérénité.
*Crocs nerveux après deux heures de recherches infructueuses d’un restaurant mentionné dans le guide du routard et consulté avec une extrême lenteur par le capitaine*
Ensuite enchantements : Les excentriques défilent. Nous avons l’impression d’être au cirque. Voici un martien  tout maquillé de vert au costume d’argent qui paisiblement fait ses courses, ou encore des quinquagénaires qui circulent en pom pom girls sans que nous en comprenions exactement la raison, voilà les jongleurs de Covent Garden, et voilà encore les adeptes de Krishna et leurs mélopées sautillantes. Ils traversent la foule en souriant d’un bonheur sucré comme une pâtisserie orientale. On se marre.

Dimanche 17 août
 En bon français, recherche de pain, avec un maigre et coûteux succès. Puis départ vers le palais de la reine où nous souhaitons assister à la relève de la garde. Foule immense devant le palais et, dans un coin, un petit écriteau «  Pas de relève aujourd’hui ». Tant pis pour la reine allons voir la reine des horloges  Big Ben, puis  en route pour la résidence du Premier ministre Downing street. Anna veut réaliser un reportage photographique pour illustrer son cahier d’anglais. On ne saurait hésiter à soutenir une telle initiative..
 Enfin Pique-nique dans le cloître de l’abbaye de Westmister. Sur les murs nos regards accrochent les plaques mortuaires. Les bienheureux abbés, hommes d’église et pasteurs, bienfaiteurs, nobles, sont là  emmurés à hauteur des yeux ou sous nos pieds. Des anglais et des touristes passent devant leur stèle avec un gobelet en carton de café ou un sandwiche à la main. Leur présence éternelle donne un soupçon de distinction et d’humour à l’ambiance feutrée du cloître. La porte de la cathédrale s’entre ouvre par moment. Ce n’est pas le jour des visites, mais il y a comme un concert, ou une chorale en répétition. Des ecclésiastiques et des nonnes passent en habit noir et gris et chaque ouverture de porte amène murmures et chuchotements. Le grand mystère de la foi est derrière le battant mais nous n’irons pas.
L’après midi Jean visite les musées  Tate et  la National Galerie. Anna et moi  passons l’après midi à la tour de Londres .  Le but :  les salles de torture, et les bijoux de la couronne.
 Regardez et admirez depuis le tapis roulant ! Toute cette quincaillerie de luxe me laisse plutôt froid. Juste choqué de la soumission des peuples de l’inde qui font tailler pour leur dominateur anglais les plus gros diamants du monde. Ces femmes reines aux traits plutôt lourds avec toute cette verroterie  sur la tête obtenue par les armes, la peur et le sang de la conquête, c’est un peu obscène et terriblement vulgaire.    Dans la salle d’exposition voisine quelques machines pour donner la question, et une précision sur un grand panneau : «  Les Anglais n’ont jamais inscrit la torture dans leurs lois, si on a torturé ici une petite centaine de personnes au grand maximum c’est essentiellement parce qu’ils étaient très très coupables de meurtres et autres horreurs »
Le goût morbide et macabre des exposants nous permet néanmoins de nous faire une idée très précise de quelques machines affreuses à délier les membres ou courber l ‘échine. Mais nous avons la certitude qu’ils étaient très très coupables . Cela nous réconforte un peu alors que nous sortons de la salle en foulant  la pelouse où l’on nous indique qu’Henri VIII fit des décapiter ses deux femmes adultères. L’endroit est vraiment chargé de souvenirs charmants.
Henri, semble le vrai héros de cette tour de Londres. Un bâtiment entier lui est consacré. On peut y voir une armure de tournoi avec une grosse excroissance pour protéger sa bite de la lance ennemie. Henri a eu huit femmes pas question de négliger la protection des moindres recoins de son anatomie.
 

Lundi 18 Aout.
Enfin, à l’heure prévue, la relève de la garde. Dans la foule, nous nous  amusons comme tout le monde, de ce cérémonial d’un autre age.  Nous sommes parqués sur les trottoirs devant le château et ses grilles. Deux policières à cheval contiennent les badauds, qui voudraient occuper tout l’espace, avec une infinie patience et des "please, please" sans cesse renouvelés. Tout cela pour voir quelques soldats  aussi raides que nos jouets d’enfants faire le tour de la fontaine et s’éloigner, mécaniques rouges noires et or, sur l’avenue.
Puis Jean nous emmène à Picadilly dans un extraordinaire magasin de thé. Nous déjeunons dans un restaurant repéré la veille et en route pour le british Muséum. Le pillage d’antiquités grecques et romaines est aussi impressionnant qu’au Louvre. Les sensuelles statues me rappellent ma déception en Grèce. Aucune  femme ne leur ressemblait vraiment. Les empereurs sauf Adrien ont des visages sévères et constipés
Nous rentrons fourbus au bateau.

Mardi 19.
 
Retour vers la France,
Le moteur défaille à l’instant où nous sortons de l’écluse. Nous lançons un bout, et un hollandais nous mène jusqu’à une bouée d’attente. Je descends réamorcer la machine. Elle repart au bout d’une demi-heure .
Deux heures plus tard, nouvelle panne. Le circuit de gasoil se désamorce sans que j’en voie la cause. Deux heures de recherche  sans succès. Nous décidons de continuer sous voile, le vent est portant, et doit durer quelques jours. Je regarde avec angoisse passer les abris possibles, mais il vaut mieux cette fois mettre cap sur Dunkerque et chercher un mécano français.  Dans l’après midi  nous hissons le spi pour lutter contre le courant montant. A la tombée de la nuit nous  sommes sortis de la Tamise et de son embouchure, cap vers la France pour la première traversée de nuit de Jean François.
Les cargos passent, parfois très prêts. Pendant mon quart je dois même du virer de bord pour éviter l’un d’eux. Les essais avec le moteur ont presque épuisé les batteries, je n’allume les feux de route qu’en cas de risque de collision. Angoisse, angoisse, la mer dans ces conditions ne fait pas vraiment plaisir. Au milieu de la nuit le feu de Dunkerque nous guide .
Mercredi 20 Aout
Au petit matin, avec un vent très léger nous manœuvrons à la voile dans le port. Le ponton est dégagé et la manœuvre simple . Nous n’avons navigué que 24 heures depuis l’écluse de Londres, et retrouvés les conditions des marins d’antan. Ce fut au moins une satisfaction. Il faut maintenant régler les ennuis mécaniques.
Le mécano n’était pas disponible pour une visite à bord, je lui confiais mon injecteur à vérifier.
Nous rentrons à Lille.
Le samedi suivant toujours sans moteur je  regagnais seul Gravelines pour remettre le bateau à sa place et éviter les frais de port . Lutte contre le temps, les courants et les vents contraires. Jusqu’à la dernière minutes, à couple d’un vieux gréement, cette croisière aura été compliquée.
Un mois plus tard, malgré une réparation le moteur s’avérera aussi peu fiable.

    
   
Personne n’y croit vraiment et c’est dubitatif que nous mettons en marche avant lentement vers Londres . Voiles et le moins de moteur possible, le vieux moulin peut il encore nous tirer de là ?
Nous suivons les méandres de plus en plus industrialisés. Les bords de la Tamise ne sont qu’une longue zone industrielle, terminaux de ferries,  grues, chemin de bande, trémies de sable, pipe-lines se succèdent.
Vers 14 heures succès : Devant nous défilent les nouveaux quartiers de l’East End : Des immeubles en forme de fusées, la soucoupe du dôme du Millénium, et puis enfin majestueux après un dernier détour,  une énorme pâtisserie nous bouche l’horizon.  Tower Bridge. Nous sommes enfin arrivés au cœur de la cité. Il ne reste plus qu’à attendre l’ouverture de l’écluse pour rentrer à l’abri de la marina. Les vedettes de tourisme nous frôlent. Nous nous sentons bien fiers d’être simplement là.
A 17 heures, je suis enfin soulagé de l’angoisse qui me serrait le ventre et qui m’a conduit à décourager Barbara de nous rejoindre. Une panne supplémentaire et des rendez-vous à tenir, cela eut été trop de complications
 Le Lorelei est amarré à Sainte Catherine Marina.  Dans ce décor d’anciens docks réaménagés  ceints désormais d’immeubles de luxe et d’un super pub, que hélas, l’age d’Anna nous interdira de fréquenter. Les amarres à peine tournées fuite générale de l ‘équipage en bus n° 15 vers le cœur de Londres.
Le bus rouge s’est l’entrée dans la carte postale, la joie simple de faire partie du cliché. Le receveur pakistanais comprend à peine nos questions et en réponse fait cracher à son appareil des mètres de tickets rose et rouge. Trafalgar square, Picadilly, le quartier chinois Soho, belle promenade si ce n’était la fringale de Jean  qui a les crocs nerveux.
Manger, manger, manger, la migraine et la colère le gagne. Le guide du routard montre ses faiblesses et les adresses qu’il recommande sont des gargotes ou ne servent pas à manger.
Un restaurant chinois nous sauvera de la zizanie et croc nerveux retrouve un peu de sérénité.
*Crocs nerveux après deux heures de recherches infructueuses d’un restaurant mentionné dans le guide du routard et consulté avec une extrême lenteur par le capitaine*
Ensuite enchantements : Les excentriques défilent. Nous avons l’impression d’être au cirque. Voici un martien  tout maquillé de vert au costume d’argent qui paisiblement fait ses courses, ou encore des quinquagénaires qui circulent en pom pom girls sans que nous en comprenions exactement la raison, voilà les jongleurs de Covent Garden, et voilà encore les adeptes de Krishna et leurs mélopées sautillantes. Ils traversent la foule en souriant d’un bonheur sucré comme une pâtisserie orientale. On se marre.

Dimanche 17 août
 En bon français, recherche de pain, avec un maigre et coûteux succès. Puis départ vers le palais de la reine où nous souhaitons assister à la relève de la garde. Foule immense devant le palais et, dans un coin, un petit écriteau «  Pas de relève aujourd’hui ». Tant pis pour la reine allons voir la reine des horloges  Big Ben, puis  en route pour la résidence du Premier ministre Downing street. Anna veut réaliser un reportage photographique pour illustrer son cahier d’anglais. On ne saurait hésiter à soutenir une telle initiative..
 Enfin Pique-nique dans le cloître de l’abbaye de Westmister. Sur les murs nos regards accrochent les plaques mortuaires. Les bienheureux abbés, hommes d’église et pasteurs, bienfaiteurs, nobles, sont là  emmurés à hauteur des yeux ou sous nos pieds. Des anglais et des touristes passent devant leur stèle avec un gobelet en carton de café ou un sandwiche à la main. Leur présence éternelle donne un soupçon de distinction et d’humour à l’ambiance feutrée du cloître. La porte de la cathédrale s’entre ouvre par moment. Ce n’est pas le jour des visites, mais il y a comme un concert, ou une chorale en répétition. Des ecclésiastiques et des nonnes passent en habit noir et gris et chaque ouverture de porte amène murmures et chuchotements. Le grand mystère de la foi est derrière le battant mais nous n’irons pas.
L’après midi Jean visite les musées  Tate et  la National Galerie. Anna et moi  passons l’après midi à la tour de Londres .  Le but :  les salles de torture, et les bijoux de la couronne.
 Regardez et admirez depuis le tapis roulant ! Toute cette quincaillerie de luxe me laisse plutôt froid. Juste choqué de la soumission des peuples de l’inde qui font tailler pour leur dominateur anglais les plus gros diamants du monde. Ces femmes reines aux traits plutôt lourds avec toute cette verroterie  sur la tête obtenue par les armes, la peur et le sang de la conquête, c’est un peu obscène et terriblement vulgaire.    Dans la salle d’exposition voisine quelques machines pour donner la question, et une précision sur un grand panneau : «  Les Anglais n’ont jamais inscrit la torture dans leurs lois, si on a torturé ici une petite centaine de personnes au grand maximum c’est essentiellement parce qu’ils étaient très très coupables de meurtres et autres horreurs »
Le goût morbide et macabre des exposants nous permet néanmoins de nous faire une idée très précise de quelques machines affreuses à délier les membres ou courber l ‘échine. Mais nous avons la certitude qu’ils étaient très très coupables . Cela nous réconforte un peu alors que nous sortons de la salle en foulant  la pelouse où l’on nous indique qu’Henri VIII fit des décapiter ses deux femmes adultères. L’endroit est vraiment chargé de souvenirs charmants.
Henri, semble le vrai héros de cette tour de Londres. Un bâtiment entier lui est consacré. On peut y voir une armure de tournoi avec une grosse excroissance pour protéger sa bite de la lance ennemie. Henri a eu huit femmes pas question de négliger la protection des moindres recoins de son anatomie.
 

Lundi 18 Aout.
Enfin, à l’heure prévue, la relève de la garde. Dans la foule, nous nous  amusons comme tout le monde, de ce cérémonial d’un autre age.  Nous sommes parqués sur les trottoirs devant le château et ses grilles. Deux policières à cheval contiennent les badauds, qui voudraient occuper tout l’espace, avec une infinie patience et des "please, please" sans cesse renouvelés. Tout cela pour voir quelques soldats  aussi raides que nos jouets d’enfants faire le tour de la fontaine et s’éloigner, mécaniques rouges noires et or, sur l’avenue.
Puis Jean nous emmène à Picadilly dans un extraordinaire magasin de thé. Nous déjeunons dans un restaurant repéré la veille et en route pour le british Muséum. Le pillage d’antiquités grecques et romaines est aussi impressionnant qu’au Louvre. Les sensuelles statues me rappellent ma déception en Grèce. Aucune  femme ne leur ressemblait vraiment. Les empereurs sauf Adrien ont des visages sévères et constipés
Nous rentrons fourbus au bateau.

Mardi 19.
 
Retour vers la France,
Le moteur défaille à l’instant où nous sortons de l’écluse. Nous lançons un bout, et un hollandais nous mène jusqu’à une bouée d’attente. Je descends réamorcer la machine. Elle repart au bout d’une demi-heure .
Deux heures plus tard, nouvelle panne. Le circuit de gasoil se désamorce sans que j’en voie la cause. Deux heures de recherche  sans succès. Nous décidons de continuer sous voile, le vent est portant, et doit durer quelques jours. Je regarde avec angoisse passer les abris possibles, mais il vaut mieux cette fois mettre cap sur Dunkerque et chercher un mécano français.  Dans l’après midi  nous hissons le spi pour lutter contre le courant montant. A la tombée de la nuit nous  sommes sortis de la Tamise et de son embouchure, cap vers la France pour la première traversée de nuit de Jean François.
Les cargos passent, parfois très prêts. Pendant mon quart je dois même du virer de bord pour éviter l’un d’eux. Les essais avec le moteur ont presque épuisé les batteries, je n’allume les feux de route qu’en cas de risque de collision. Angoisse, angoisse, la mer dans ces conditions ne fait pas vraiment plaisir. Au milieu de la nuit le feu de Dunkerque nous guide .
Mercredi 20 Aout
Au petit matin, avec un vent très léger nous manœuvrons à la voile dans le port. Le ponton est dégagé et la manœuvre simple . Nous n’avons navigué que 24 heures depuis l’écluse de Londres, et retrouvés les conditions des marins d’antan. Ce fut au moins une satisfaction. Il faut maintenant régler les ennuis mécaniques.
Le mécano n’était pas disponible pour une visite à bord, je lui confiais mon injecteur à vérifier.
Nous rentrons à Lille.
Le samedi suivant toujours sans moteur je  regagnais seul Gravelines pour remettre le bateau à sa place et éviter les frais de port . Lutte contre le temps, les courants et les vents contraires. Jusqu’à la dernière minutes, à couple d’un vieux gréement, cette croisière aura été compliquée.
Un mois plus tard, malgré une réparation le moteur s’avérera aussi peu fiable.

    
   
 
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 20:56
 
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 20:24
Croisière Lorelei . Juillet Août 2002
 
15 juillet 2002
Une croisière commence par le jeu de la sardine . C'est à dire entasser le maximum de choses étranges, utiles, ou futiles, dans le minimum d'espace. Ce fut le cas ce 15 juillet après midi quand ma voiture accueillit quatre personnes et leurs bagages, une annexe, un radeau de survie, de la nourriture pour huit jours et, peut être, des boissons pour quinze. Pascal et Clotilde Allard, ainsi que Cécile Guionnet s’embarquent pour une virée de quelques jours. L’objectif initial , les îles de la frise orientale, a vite été abandonné, il souffle un léger vent de Nord Est ,et toute l’équipe est d’accord pour mettre cap au sud, vers la Bretagne, destination tout aussi séduisante. Le sud, les nordistes l’attendent comme une promesse après les hivers pluvieux et les printemps pourris. Nous quittons Lille en fin d’après midi pour passer la première nuit à bord et profiter dès potron-minet de la marée du lendemain matin. Quelques courses de dernières minutes chez les avitailleurs du quai, quelques rangements sophistiqués et nous voilà tous heureux pour un premier dîner à bord.
Il fait beau, tous les programmes sont encore possibles et tout le monde s’apprécie encore. L’appareillage est souvent trop rapide pour que l’on le goûte vraiment; chacun poursuit son rêve, confronte ses envies aux premières réalités du bateau. Les soucis du départ, cèdent bientôt la place aux premiers plaisirs et à la première excitation d'une installation à bord.
Il y a encore quelques ombres au tableau. Tous ses petits détails dans la préparation du bateau et qui d'un seul coup me rattrapent mais que je suis pour l’instant seul à connaître.
Un soir rose tombe sur Gravelines.

16 Juillet
Le chenal s’éveille dans le bleu gris du petit matin. Le moteur achève de réveiller les endormis, le vent est déjà là, et une jolie brise nous pousse le long de la côte. Peu de mer, pas de malade mais quelques estomacs baladeurs, premier petit déjeuner en mer, l’impression de vacances est déjà palpable. Les caps défilent Blanc nez, Gris nez. Nous quittons la mer du nord, nous la voilà dans la Manche. Cette angoissante transition géographique fait d’ailleurs l’objet de polémiques : Blanc Nez dans la mer du Nord ou encore dans la Manche ? Doctus cum Libris, instructions nautiques à l’appui :"le cap Gris Nez est bien la séparation entre les deux mers." Poussé par le courant nous voilà bientôt devant Boulogne. Une Lecture du bloc marine et Pascal comme pilote à la barre «  Je connais Boulogne », l’entrée à marée basse ne devrait pas poser de problèmes . C’est sans compter sans une crainte inspirée par la plage. Elle semble s’allonger indéfiniment vers l’entrée du port. Il s’en écarte, quitte le chenal , nous voilà échoués . Un grand chalutier passe, son équipage rigole de nous voir tous dans les haubans. A la gîte mon poids fait la différence, la quille se soulève, nous regagnons l’axe du chenal. Comme de coutume le port pue. E égout ou poisson ? Cela se discute et s‘apprécie bien sûr selon l‘option retenue. Les uns vantent l’authentique port de mer fleuron de la pêche française, les autres regrettent que les stations d’épuration ne soient pas plus répandues.
Même avec une bonne dose de chauvinisme local ,difficile de nier que le site du port est très moche. Je sais l’Italie est loin, les villages grecques encore plus, à quoi bon me faire mal. Plutôt imaginer ici Casanova s‘embarquant avec ses conquêtes pour l‘Angleterre, Napoléon rêvant sur les falaises d’une victoire finale et d’un empire stoppé par l’atlantique aux Iles d’Aran .
Quelques balades en ville pour m’appercevoir que j’ai oublié ma carte de crédit chez un commerçant de Gravelines . Tout l’équipage se met en quatre pour me trouver une solution . Voiture de location, copine locale travaillant là bas et habitant ici, relation chez France Trois, pour finir par le plus raisonnable, c’est Pascal et Clotilde qui feront la banque. Je ne passerais par la case départ. Barbara me raménera ma carte lors du changement d ’équipage. Il s ne me verseront pas vingt mille francs.
Le soir, promenade en solitaire dans la vieille ville de Boulogne. Les autres , sans doute trop fatigués par cette première journée de mer , restent à bord. Les anciens remparts servent aujourd’hui de lieu de rendez vous pour les amours masculines . Les hommes se croisent et se frôlent sur les marches des murailles. Les buissons abritent des désirs bruts et rapides, les hommes s’aiment sans connaître leur nom. L’ombre protège, et habille ces solitudes d’un peu de gaîté trouble.
Je reste un moment à observer ce ballet de silhouettes qui passent et repassent dans la clarté orangée de quelques lampadaires. Une liberté asservie à un désir immédiat.
17 Juillet.
Départ pour le sud. Le vent est toujours favorable, un Nord Est léger ,3 ou 4 , pour doubler le cap d’Albrecht et entamer la côte d’Opale. Hardelos, Le Touquet les stations défilent. Pascal s’initie à faire le point au compas de relèvement, la baie de Somme s’annonce par une eau plus verte. Les premiers maquereaux s’invitent pour le déjeuner. Comme souvent celles qui regardent avec dégôut les mises à mort de ces pauvres bêtes, les dégustent avec plaisir quelques instants plus tard.
Vers 17 heures nous voilà devant Le Tréport. L’employé du port, qui part en vacances, ne veut pas s’ennuyer avec la plaisance. Il nous refuse l’entrée . ( Je suis tout seul , le port est plein, je finis à 17 h 30 ) expliquera-t- il ensuite à la radio au collègue lui succédant . Celui là plus accomodant placera des plaisanciers plus chanceux à couple. Ironie à bord sur mon absence de sens de la négociation.
Entre temps nous avons mis le cap sur Dieppe, et prolonger cette superbe étape par un coucher de soleil sous voile, est aussi très satisfaisant.
En longeant les grandes falaises blanches , Pascal et Clotilde nous font la lecture de leurs guides gastronomiques et
Touristiques .Cécile regarde à la jumelle si elle trouve sur les plages un maître nageur (palestinien de préférence). Rien ne nous arrete , ni les éphèbes, ni les cartes et menus de restaurants gastronomiques devinés à l’ombre des valleuses
Nous rentrons dans le port à la nuit tombante . Une entrée apaisée: Le dernier atterissage du Lorelei s’était effectué il y a quatre ans , début Août . Une entrée de port en urgence avec une coque trouée ,et Barbara en état de choc, allongée sur la couchette . Ce sont les pompiers et la gendarmerie maritime qui m’avaient servi de comité d’accueil. Je venais de percuter un chalutier à 18 milles au large. Autant dire que je n’avais pas vraiment prêté attention à l’ambiance très colorée de ce port. Enchassé dans la ville, et il rappelle par ses lumières et son animation Porto Ferraio sur l’Ile d’Elbe. Un mélange d’industrie, de Tourisme, et de Pêche.
Les voisins de pontons sont en grande partie hollandais, comme nous, ils cherchent aussi la route du sud . Nous avons bien fait de choisir cette direction , car les dépressions arrosent en ce moment l’Allemagne et la Hollande.
18 Juillet.
Cécile décide de repartir de Dieppe, pour rejoindre un stage de Tai-chi au fin fond de la France terrienne. Rien, ni les élongations promises en tirant sur les drisses et les écoutes, ni la poursuite d’un Rachid quelconque, ne la feront changer d’avis. Toute une troupe de copines Zen l’attend à Lille.
Elle nous a laissé beaucoup de bonne humeur et leitmotiv, idiot répété comme un cri de guerre . Capt’ain say : "Watch too Watch."
Après une balade en ville, éclairée par nos deux érudits, et leur bibliothèque portable, c’est en début d’après midi que Cécile quitte le bord nous laissant son sourire, la vaisselle, et bien des regrets de la voir partir si vite. Qu’à cela ne tienne : «  show must go on «  en route pour Fécamp à quelques milles de là. J’adore cette entrée avec une superbe plage de galets . Le port est plein , et nous traînons un peu avant de prendre une place confortable . Ici le ponton grince, là les voisins sont bruyants. Manœuvres , manœuvres, amarrages, nœuds divers et avariés.
19 juillet
Journée morte pour Clotilde, qui comme le gisant de la Cathédrale, combat une migraine dans la cabine avant. Par respect pour sa souffrance nous resterons au port, et je profite, avec Pascal, de la journée pour enchaîner les excursions dans ville bien lotie en curiosités. Le musée d’Alexandre Legrand et son usine renaissance française parfume un quartier d‘une odeur liquoreuse rappelant à s‘y méprendre la bénédictine, la cathédrale lutte contre l’encerclement urbain, le port commerce avec les pays nordiques pour la livraison de bois de pins. Le musée de la pêche évoque les morutiers de Terre Neuve. Sur la plage, le casino rameute les vieilles peaux usées comme les jetons de leur machine à sous. Les ruines de châteaux normands soupirent encore à la conquête de l’angleterre.
20 juillet
Madame va mieux, le vent est toujours au nord. Appareillage pour la baie de Seine.
Les centrales nucléaires passent. Antifer est désert . « Moins de 50 super pétroliers par an ! « commente Pascal en contribuable marri. La bouée Le Havre 11 nous salue, et nous voilà parti pour Honfleur. Exercice dans le chenal pour éviter les cargos et ferry s, sueur dans l’écluse et ravissement de ce petit port normand , totalement envahi de touristes, de galiéristes en tout genre , d’artistes plus ou moins faisandés . Dès que l’on s’éloigne du centre pourtant la ville redevient charmante.
 
 
Le soir, des araignées de mer sont sacrifiées et leurs pattes éclatées par les pinces à crustacées volent dans toute la cabine. Délectation pour Clotilde, moins pour Pascal.
 
Le vieux bassin et la Lieutenance
21 Juillet
En route! En théorie pour Deauville, en fin de matinée. Trop tard ! le chenal est ensablé, nous n’y rentrons plus, nous irons donc à Ouistreham plus accueillant à toute heure de marée.
L’écluse à une réputation de presse bateau, alors sagement nous laissons passer les plus hargneux pour s’amarrer ensuite à couple sans stress. Le port est isolé de tout mais assez joli sous les ombrages de grands peupliers.
22 Juillet .
Nous attendons . Pascal et Clotilde rentrent à Lille . Barbara, Anna, Steffi, et Maleen les remplacent. La matinée je bricole le tableau électrique capricieux. Clotilde frotte le pont. Pascal a disparu dans un café pour satisfaire les exigences des correcteurs du Castor Astral, éditeur de bon goût , qui a la chance de publier son premier roman. Vers quatre heures de l’après midi les allemandes débarquent . Paquets contre duvets, nourriture effusions, provisions.
Nouvelle ambiance à bord, croisière familiale cette fois. Le soir face au ferry qui part pour l’Angleterre, nous organisons un grand feux sur la plage. Anna tente de cuire un oeuf à la poêle mais sans briser la coquille. Est elle vraiment la petite fille d’un restaurateur?
La marée montante éteindra le foyer et nous allons tous nous coucher.
23 Juillet .
Vent trop vif pour une sortie en famille. Nous irons en bus visiter Caen. Déception relative, sauf pour les extraordinaires maisons rescapées de la destruction du débarquement. Des colombages des pans de bois sculptés de frises dites érotiques que nous cherchons vicieusement à interpréter
24 Juillet .
Le vent est passé à l’ouest, en plein dans le pif pour Cherbourg et la Bretagne. Pour une mise en route c’est trop violent . Cap sur Honfleur à l’Est et au portant.
Dans le chenal de la Seine le moteur s’étouffe, alors que nous luttons contre un courant violent. Un plaisancier hollandais nous prend ,malgré l’opposition sa femme, en remorque. Nous entrons dans l ‘écluse à la voile. Puis nous sortons à couple d’un autre plaisancier hollandais beaucoup plus décontracté. Il nous emmènera jusqu’à l’amarrage final dans le vieux bassin de Honfleur, toujours surchargé. Le soir moral dans les chaussettes; le moteur est sans doute perdu. Mes maigres connaissances mécaniques diagnostiquent un joint de culasse.
25 Juillet .
Le mécano du port ne peut mettre qu’un gas demain sur les petits moteurs. En lui rendant visite je retrouve l’espoir. « Un étouffement du moteur ? cherchez donc dans l’alimentation . un filtre sale . » «Un joint de culasse s’annonce autrement. »
Je plonge dans la machine et parfume la cabine de diesel. Les enfants et Steffi se sont sauvés pour faire des aquarelles. Barbara m’épaule. Le filtre est nettoyé au souffleur. Je mets l’après midi pour réamorcer, je prends un vrai bain de gasoil et vers quatre heures ce bon vieux Yanmar tousse à nouveau. Cette négligence m’aura coûté une journée de vacances . Le mécano à refusé tout paiement pour ses conseils et services.
26 juillet

En route en début d’après midi pour Deauville.
Cette fois les coefficients sont avec nous et nous embouquons sans problème le chenal. Petite place dans la nouvelle marina juste contre la jetée qui borde la grève.
Le soir enchantement des enfants. Cette plage immense convient parfaitement aux vacances. Nous nous installons pour un bon moment.
27 juillet
Beau temps journée plage et promenades
28 juillet
Deauville, Trouville, Trouville Deauville . Les vacances. Passage de nuit devant le casinos. Nous ne rentrerons pas. Pour décourager les voyeurs dans notre genre l’entrée est payante. Payer pour voir perdre ou gagner les autres nous décourage. Devant la porte du casino gardé par des costauds en uniforme aux regards transparents, un petit monsieur fait l’important. On vient sans doute de le mettre dehors.« Il reviendra c’est sûr, et on verra ce qu’on va voir ! On n’a pas le droit de traiter les gens de la sorte !» Nous sommes restés un moment , mais nous n’avons rien vu. Il n’est pas revenu.
29 Juillet
Je pars vers Lille pour un entretien. Changerais je de boulot ?
La famille reste à Deauville. Le temps est incertain.
30 Juillet.
Retour par le train du soir. Par la fenêtre je guette: Paysage d’enfance. Souvenir de nos vacances à Pierrefite en Auge. Le château de l’Avenue apparaît comme un éclair dans une atmosphère de bruine. Un château blanc comme un éclat de bonheur sur une pelouse verte. Les propriétaires sont tous morts, mes parents aussi. La vie a dispersé les amis d’enfances.
Le train file et avale les coups de blues.
 
31 juillet
C’est sur la Bretagne n’est pas pour cette fois , cap au nord vers Fécamp, le vent est faible, une partie se fait au moteur. Un peu de houle. Quelques enfants malades.
1 Août
Visite de la ville et baignade dans des eaux glacées avec les enfants. T‘es cap t‘es pas cap... Une grande respiration et l‘on plonge dans le rouleau qui se forme. Vite avant que les galets sous les rouleaux ne nous broient les pieds . On crie, on rie, on assure qu‘elle est délicieuse et l‘on ne reste pas longtemps. Anna regrette la corse et les journées entière dans l‘eau. Serviette, frissons et crêpes promises, avalées sur le pouce. Le bonheur ici est à basse température.
Visite du musée de la bénédictine et soirée au restaurant.
Comme des galériens les enfants cassent des gros galets ronds sur la plage et cherchent des améthystes. Ils se maquillent à la poussière de silex. Retour des sorcières sur le bateau.
2 Août
En route pour Dieppe, où nous laisserons Barbara qui veut profiter de quelques jours de calme pour peindre et lire loin de la famille et de ses obligations. Devant le port, au mouillage, le ferry Jaune de la Corsica Line. Ces vieux bateaux que j’ai guettés des années durant depuis notre salon de Bastia, lorsqu’ils rentraient par vent d’ouest au ras de la jetée du dragon et passaient sous nos fenêtres. Toute la famille, jumelle en main, regardait la manœuvre. Aujourd’hui par le jeu du commerce , voici cette compagnie Italo, suisso, corse, présente sur la liaison Dieppe New Haven. Et comme il n’y a pas de petits profits, en attendant l’heure de l’embarquement, le navire est au mouillage devant le port et cela ne coûte rien à l’armateur. A part cela pas d’autres mouvements de navire. Souvenir d’un tableau de près de 150 ans exposé au musée de la marine. L’encombrement de la rade lors de la visite de la reine Élisabeth d’Angleterre. Les navires français et britanniques à voile, ou à vapeur saluaient au canon l’altesse la plus puissante de son temps.
Dieppe, plus loin encore dans le temps, l’école de cartographes, célèbre dans l’Europe des marins.
Les conquérants de l'Amérique passèrent des heures à étudier les portolants de Dieppe, traquer les secrets des pilotes, les annotations des cartographes sur le nouveau monde. Là bas à l’ouest..... les vikings en avaient déjà parlé
Dieppe et ses pêcheurs de morues, disparus, avalés comme leur trois mâts barque dans le sillage du temps. A couple dans le bassin Jean Ango quelques chalutiers de petite envergure, et une unité plus importante de retour d’une grande saison, et que des marin pas pressés passent à la peinture noire.
3 Août .
Barbara prend son bus à 5 h 30 heures, à six heures trente nous mettons cap sur l’Angleterre. Une belle traversée en partie à la voile en partie au moteur pour arriver vers 22 heures à Douvres. A noter en plein milieu de la Manche, le contrôle de la vedette des douanes. Je les vois de loin pêcher sur un haut fond. La certitude qu’ils s’intéressent à nous est immédiate. Un douanier désœuvré ne peut laisser passer si belle proie. La vedette est sur nous. Le dialogue s’engage sur VHF. Dialogue cordial , je leur souhaite au final un bonne pêche, ils protestent arguant qu’ils ne font que jeter du pain aux mouettes. Pas question d’avouer sur les ondes, les loisirs du douanier en exercice. Le soleil est revenu. Le temps est beau, le pilote automatique barre alors qu’à l’avant loin du moteur, nous lisons et surveillons l’horizon. Dans la brume du soir les falaises de Douvres.
Steffi se livre, l’été, la mer, l’Angleterre, pour la première fois abordée à la voile dissipent à peine ses angoisses. La solitude, l’amertume, les incertitudes et les doutes des femmes qui se battent seules.
4 Août Journée à Douvres .
Au matin promenade avec Anna pour trouver du pain . Mais tout est fermé nous sommes dimanche. Sur la promenade: un carnaval d’une dizaine de personnes. C’est une animation de l’été. Une bicyclette chargée d’une glaciaire débordante de bières abreuve les carnavaleux. De grosses anglaises rigolent, et l’on ne distingue pas toujours si elles sont déguisées pour l’occasion ou , si il s’agit d’une tenue estivale. Toute cette société bruyante et brillante chante au pied des grands hôtels de luxe du front de mer. L’après midi : Aquarelles sur les contre forts de Dover Castle. Le soir les enfants transforment la cabine en plage sud américaine. Parasol et coquillage sur la table du carré. Dans leur robe rouge les filles dansent sur des rythmes tropicaux. Steffi et moi sommes enchantés, c’est un plus beau tableau des vacances. Elles nous ont préparé le repas.
5 Août
Belle journée de mer vers Ramsgate, sur les bancs de sable au nord de Douvres. Nous tirons des bord dans un chenal incertain. Le port est vaste et ne manque pas de place. La ville compte dessus pour se tirer d’un marasme économique partout palpable. Au foyer du marin des enfants répètent un morceau de fanfare. Ils défilent maladroitement sur un quai encombré de vieilles machines. Nos enfants les regardent . Promenade triste dans une ville en pente et qui crêve . Elle se termine le soir dans un restaurant indien délicieux.
 
 
 
6 Août .
Impossible d’atteindre Sandwich à la voile à cause des marées trop matinales pour nous. Le bus fera l’affaire. PLongeon dans l’Angleterre du moyen age et pic nique à Sandwich ancien port glorieux de l‘Angleterre et aujourd’hui‘ sillon envasé ou sommeillent quelques barcasses.
La ville est un décor de film. Retour à Ramsgate. Dernière promenade Anglaise. Nous signons le livre d’or du club de voile royal le plus important de Londres. Après que le trafic maritime incessant ait découragé les plaisanciers londoniens d’occuper la Tamise pour leur seule passion, ils émigrèrent vers Ramsgate. Depuis qu’ils se confrontent à la mer du nord, les plaisanciers du cru collectionnent dans leur club d’abominables et imposants saladiers et coupes en argent qui renvoient vers le bar les éclats de mille gloires nautique s’il en fut . Après cela, et quelques autres gins nous nous faisons expliquer un joyeux concours de fléchettes dans un pub animé.
A la tombée du jour les filles prennent la pose pour la photo accoudées au balcon du voilier. Une lumière dorée les enveloppe comme des modèles préraphaélites.
7 Août
En route pour Gravelines . Encore une traversée avec un peu de moteur et puis bientôt un vent du nord ouest. Navigation précise, près du bateau feu sentinelle rouge de Sandettier à mi parcours. Le bateau glisse et ne ratera pas la marée. Le soir amarrage au bout du chenal. Je pourrais rester un mois encore. Il fait nuit depuis longtemps quand nous nous glissons dans nos sacs de couchage. On voudrait prolonger encore et encore.
8 Août : Rangements, nettoyages et retour sur Mouvaux.
  
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 20:15

Le bateau tire désormais et de nouveau sur des amarres méditéranéennes au coeur du port de Bastia. Il est revenu à son port d'attache après dix ans de sortie en mer du nord .

Ces sorties ont donné lieux à quelques journaux de bord inachevés ou achevé,s à quelques dérives nautiques aux prétentions vaguement littéraires . L'occasion de les mettre en ligne si j' y arrive et d'en lire d'autres . Rien d'exceptionnel mais de bon moments .

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